La dette publique devient de plus en plus un des sujets les plus importants et les plus présents au sein des parlements avec toute approbation ou discussion d’un projet de loi de finances.

C’est un sujet qui intéresse à la fois les chercheurs, les décideurs, les acteurs de la société civile, les partis politiques et les citoyens de manière générale surtout dans un temps où la dette publique et privée dans le monde a dépassé 220% du PIB mondial en 2016[1].

L’endettement public, a constitué depuis la crise de 1929 un sujet de débat entre ceux qui le considèrent comme incitant de la croissance, et par la suite le développement, et ceux qui le traitent comme une problématique qui va nuire aux équilibres micro et macroéconomiques du pays débiteur et qui va renforcer la dépendance de ces pays vis-à-vis des prêteurs.

Dans le domaine des finances publiques, l’endettement public signifie l’ensemble des engagements pris par l’Etat (gouvernement, collectivités locales, régions…) sous forme d’emprunts, qu’il soit interne (si les créanciers sont des agents économiques résidents) ou encore externe (pour le cas contraire).

Les gouvernements, et en traçant leurs lois de finances, peuvent choisir de mettre en place une politique d’austérité, et donc augmenter les taux d’imposition ( TVA, IS, IR….) et les secteurs imposés (imposer des secteurs exonérés….), ainsi que diminuer les dépenses de fonctionnement et d’investissement dans une optique anti-inflationniste. Ou, adopter une politique expansive, visant à faire face à la sous-activité par le biais de l’augmentation des dépenses d’investissement pour encourager l’initiative privée, ainsi que la diminution des taux d’impôts et l’exonération des secteurs attractifs.

Si le gouvernement choisis donc de booster l’activité économique, il sera dans l’obligation d’augmenter ses dépenses et de limiter ses recettes, chose qui va aboutir à un déficit budgétaire qui ne sera comblé que par la contraction des emprunts publics.

Cette dette publique contractée à l’occasion de ce déficit conjoncturel ou encore volontaire, sera remboursée au cours des années suivantes car, la politique expansive entrainera des investissements privés d’où un encaissement supplémentaire de produits fiscaux et des recrutements de chômeurs, ce qui donne une hausse des entrées de fonds pour le trésor et un effondrement des dépenses publiques surtout celles sociales.

C’est de là qu’on peut parler de la vision : ‘’s’endetter pour investir’’, où la dette publique devient un facteur de création de richesses et de valeur ajoutée.

C’est le cas de plusieurs pays dans le monde. A titre d’exemple, Au Japon, la dette publique a été à hauteur de 238% du PIB en 2018, pourtant, l’économie japonaise est la troisième au monde derrière les Etats Unis et la chine, avec une estimation de PIB de 4 972 Mds USD[2] en 2018.

Toutefois, la dette publique peut être un réel un fardeau et un vrai facteur de blocage pour le développement durable de la structure financière et économique dans d’autres situations.

Le Maroc, comme plusieurs autres pays en voie de développement ou sous-développés, souffre depuis son indépendance d’un déficit structurel causé essentiellement par la masse salariale,  les charges de compensation, les manques à gagner suite à la non réglementation du secteur non structuré, la non diversité des sources de financement…, et donc toute politique expansive n’aboutira qu’à l’aggravation de ce déficit et donc l’augmentation du taux d’endettement et, l’effet boule de neige, et un autre effet plus dangereux qu’est l’effet d’éviction qui entraine un détournement de l’épargne des ménages et des spéculateurs du marché financier et du monde d’affaires vers le financement du déficit public au détriment de l’épargne productif.

Ainsi, sont rares les dettes contractées par le gouvernement et qui sont destinées vers l’investissement, ce qui est dù à la structure du budget du Maroc, qui ne favorise pas l’investissement (les dépenses d’investissements sont de moins de 25% du total des investissements à l’addition des coupes budgétaires faites au cours des années financières pour honorer les engagements immédiats de l’Etat).

Figure 1: Structure des charges[3]

La quasi-totalité des emprunts sont sollicités pour payer les fonctionnaires et financer les projets publiques (hôpitaux et autres) dont leur retour sur investissement est presque nul. Il est à noter que le contexte et les crises internationales deviennent de plus en plus contraignantes, on note entre autres : le climat politique mondial, la crise sanitaire mondiale causée par la pandémie COVID 19, et donc, si le gouvernement continuera à miser sur l’endettement pour résoudre les problèmes de liquidités, un deuxième plan d’ajustement structurel (PAS) nous sera imposé dans les quelques années à venir.

En 2018, l’encours de la dette du trésor était de 715 milliards de MAD, avec une hausse de 4,6% par rapport à 2017 et qui représente 67,3% du PIB. En rajoutant la dette des autres établissements publics, la dette publique globale voisinera les 84% du PIB[4] sachant que les déficits budgétaires réels et prévisionnels ne cessent de s’aggraver.

Le Maroc se trouve dans un réel besoin de restructuration budgétaire. Les secteurs de la santé, de l’éducation, les charges de compensation et de masse salariale doivent être financés que par les fonds propres à l’Etat. Pour y parvenir, il est impératif d’améliorer les ressources de l’Etat, et donc, de réglementer le secteur non structuré qui constitue des manques à gagner énormes pour l’Etat. Il faut également moderniser les procédures de suivi des paiements d’impôt pour permettre aux services du ministère des finances de bien contrôler les entreprises et faire face à l’évasion fiscale et il faut avant tout : optimiser les dépenses annexes relatives aux déplacements, frais de missions, d’acquisition des véhicules personnels, d’organisation et de sponsoring des évènements artistiques et musicaux et prioriser ce qui est prioritaire. Quant aux dettes, elles peuvent servir à financer les projets de réaménagement des zones industrielles, les projets de recherche scientifique dans les nouvelles technologies, la construction des autoroutes, et tout autre projet ayant un minimum de retour sur investissement.

Le nature du déficit et le niveau du retour sur investissement des projets financés par dette sont donc les principaux facteurs qui peuvent nous montrer si l’Etat aura intérêt à s’endetter ou bien cette dette aura un impact négatif sur la l’avenir du pays et sur l’indépendance de ses décisions politiques.

Il est à rappeler qu’un pays surendetté est un pays qui adapte ses décisions politiques aux directives des organisations prêteuses afin d’honorer ses engagements. Cette adaptation apporte et impose généralement des mesures qui affectent le niveau de vie de la population comme la diminution du niveau des recrutements des fonctionnaires, le blocage des augmentations des traitements, l’arrêt des investissements publiques sociaux (écoles – universités – hôpitaux) … Et les programmes PAS qui ont été imposés sur plusieurs pays constituent un véritable argument. On donne en guise d’exemple, les effets négatifs du PAS au Maroc durant les années 90, au Cameroun, en Argentine et bien d’autres.

Une autre analyse qu’on peut proposer, et qui est peut-être prise en considération par les chercheurs, c’est celle rapportant le montant de la dotation (principal et intérêts) des dettes payées annuellement sur le PIB de l’année. Cette méthode peut être utile car elle nous permet d’avoir une visibilité complète sur le niveau de la valeur ajoutée créée par rapport au frais supplémentaire payés suite aux emprunts contractés.

Et donc, en guise de conclusion, on peut dire que la dette publique en elle-même, ne peut être considérée ni comme accélérateur de croissance ni comme fardeau des générations futures car c’est la manière dont l’emprunt sera dépensé, son effet de levier et le but pour lequel l’emprunt est contracté qui valorisent l’effet et l’impact de la dette publique sur les équilibres macroéconomiques et le niveau de vie de la population ainsi que l’effet de cette dette par rapport à la création de la valeur ajoutée.

[1] https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/04/19/le-fmi-sonne-l-alerte-sur-la-dette mondiale_5287432_3234.html, consulté de 19/05/2020, à 19H30 ?

[2] https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/JP/bilan-macro-economique-du-japon, consulté le 23/05/2020 à 20H45.

[3] Ministère des finances, Direction du budget, Rapport d’activité 2018, Maroc ? https://www.finances.gov.ma/Publication/db/2019/Rapport-activite-DB-2018.pdf.

[4] Ministère de finances, Maroc, Rapport de la dette 2018, https://www.finances.gov.ma/Publication/db/2020/DTFE_Rapport%20sur%20la%20dette_FR.pdf.

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